Le carreau des Halles, au centre de Paris, a longtemps été son ventre (voir le roman d’Emile Zola : Le ventre de Paris) avec son énorme marché alimentaire. Aujourd’hui il pourrait être son cœur battant qui impulserait son rythme à toute la métropole. Il n’est encore que le symptôme de la politique de la ville et de ses enjeux politiques et commerciaux.
Dans l’après 68, il y a quarante ans, après le déménagement à Rungis du marché de gros, le pouvoir de droite de Georges Pompidou a choisi de créer un centre commercial sur la plus grande gare urbaine d’Europe. Il a acté la démolition des pavillons Baltard et de leurs magnifiques structures de fer et de verre datant du XIXème siècle et considérés comme un patrimoine architectural. Ils étaient occupés depuis des années par des activités culturelles innovantes, dont ce qui allait devenir le théâtre du soleil d’Ariane Mouchkine. En cela, il appliquait sa logique libérale : les investissements publics dans les transports au service des intérêts commerciaux privés. Jacques Chirac,récemment élu Maire de Paris, après le changement de statut de la capitale, a inauguré en 1979 le Forum des Halles. Unibail Rodamco, son exploitant est devenu un des plus grands promoteurs immobiliers européens et se vante depuis d’obtenir aux Halles la plus haute rentabilité par mètre carré commercial en Europe.
#cour des comptes Voir ci-dessous le rapport de la Chambre régionale de la Cour des Comptes publié le 19 novembre 2018
En 2002, le Maire de Paris, Bertrand Delanoë a acté le constat présenté par ses services sur la dégradation précoce des bâtiments du centre commercial, les risques liés à l’évacuation des usagers de la gare souterraine en cas d’incidents ou d’attentats dus à la mauvaise organisation des circulations vers l’extérieur et le non respect des règles européennes de sécurité pour les 4 kilomètres de voiries souterraines.
C’était l’occasion rêvée pour un homme politique dit de gauche de refonder le centre de Paris avec un diagnostic des besoins et des objectifs de restructuration en accord avec les valeurs de sa famille politique.
Le Maire de Paris a bien affirmé sa volonté de réorganiser complètement le Forum et a lancé un concours de définition en faisant appel à des architectes renommés. Mais le cahier des charges et le débat sur le projet ont été orientés seulement sur les choix architecturaux sans afficher d’objectifs urbains précis.
Le jury et le Maire ont choisi en 2004 l’équipe Mangin Seura pour l’aménagement global des bâtiments émergents et du jardin. Déjà, dans cette étape les commerçants et Unibail ont réussi leur lobbying pour écarter tous les projets ambitieux et dérangeants pour leurs intérêts. Ils ont été aidés par l’association la plus active de riverains Accomplir qui voulait préserver le jardin, limiter la hauteur des constructions et l’arrivée de nouvelles activités drainant encore plus de public. Contrairement à la première bataille des Halles dans les années soixante dix, la dimension de refus de la modernité invoquée par les affairistes adeptes du tout béton, des tours et des voies express de l'époque pompidolienne n'était pas centrale, sauf peut être pour le jardin. En effet, il s'agissait de remplacer des bâtiments, les pavillons Villerval qui dataient d'à peine trente ans et comptaient assez peu de défenseurs. Accomplir a élaboré une grille d’évaluation complexe et s’est prononcé en faveur du « toit de lumière » de David Mangin, un projet qui préservait plus le jardin que les autres. D’autres associations regroupées dans le collectif Parole des Halles revendiquant un geste architectural emblématique pour le centre de Paris et le Forum social local focalisé sur la dimension métropolitaine du projet et une vraie démarche de concertation et de programmation collective n’ont pas participé à ce qui leur apparaissait un simulacre de débat et se sont mobilisées pour élaborer avec des sociologues et des urbanistes et proposer à la Mairie de Paris une vraie démarche de participation des usagers et de programmation collective.
Devant les réactions négatives sur la qualité architecturale du projet Mangin, la ville de Paris a réduit la responsabilité de Mangin à l’aménagement du jardin et à l’assistance à maîtrise d’ouvrage pour un nouveau concours cette fois limité au bâtiment du Forum. En 2006, les architectes Berger Anziutti ont été désignés lauréats du concours avec un projet baptisé Canopée par le jury. Cette fois, il semble que les sensibilités écologiques ont orienté le choix sur une maquette qui escamotait les bâtiments sous un toit de verre ondulé inspiré d’une feuille d’arbre et de la canopée de la forêt équatoriale, le tout étant très largement ouvert sur le jardin. De nouveau, la hauteur du bâtiment a été un critère déterminant pour séduire les riverains et la magie de la maquette a évité le débat sur le contenu et les volumes nécessaires pour loger tous les mètres carrés prévus dans le cahier des charges. Les partisans d’une architecture audacieuse ont apprécié l’élégance de la feuille avec un maximum d’ouvertures sur le quartier à travers la structure du toit et par des passages latéraux. La Canopée, avec son ondulation donnait avec la maquette l’impression que les façades latérales présenteraient un mur vertical avec une hauteur très progressive à partir de la rue.
Après l’intervention des ingénieurs et des calculs de structure, la feuille s’est rigidifiée et a pris la forme d’un toit plus classique, l’ondulation persiste mais à une hauteur fixe de 14 mètres (3 mètres de plus que le projet initial). Les façades latérales ont perdu leurs ouvertures au rez-de-chaussée, le bâtiment s’est refermé sur les côtés.
On peut découvrir aujourd’hui le résultat : une structure métallique constituée de poutres et de ventelles recouvertes de tuiles de verre. Une « tour Eiffel horizontale » de 7000 tonnes contre 7300 pour la verticale du champ de mars, un monument qui ressemble à une baleine à phalenges pour les piétons qui la découvrent en accédant par les rues avoisinantes. L’ondulation de la toiture donne une dimension animale à la masse et les façades de verre, les vitrines des commerçants, sont comme des filtres prêts à avaler les chalands dans le ventre du centre commercial, comme le krill pour les baleines.
Les architectes défendent leur projet en vantant « la montée vers Paris reliant la ville du dessous à celle du dessus» réaffirmant en cela que les sous-sols n’appartiennent pas à la vie parisienne. Longtemps l’architecture des villes a manifesté la ségrégation sociale avec leurs villes basses où croupissaient les classes laborieuses et les villes hautes où se réfugiaient les classes dominantes loin des miasmes et de la misère. Effectivement le défi à relever par les collectivités locales et les habitants de la métropole parisienne était bien de concevoir une entrée de Paris qui favorise les liens sociaux et la mixité des 750.000 personnes entraînées quotidiennement dans ce tourbillon d’échangeur ferroviaire et surtout des 150.000 qui sortent de la gare pour déambuler dans le centre commercial ou pour rejoindre les rues en surface.
Pour les références symboliques de la canopée on peut aussi citer les propos de Georges Pencreac'h un des architectes du précédent forum : «Le mot canopée désigne spécifiquement la partie sommitale des forêts tropicales humides. Dans cette zone ensoleillée se développe 90% de la vie animale, c'est le domaine des oiseaux, des papillons et des singes. Sous la canopée, par contre, le soleil ne pénètre jamais : dans l'atmosphère glauque et humide de cette nuit perpétuelle vivent les reptiles, les mygales et les rats. »
Les seuls acquis de la longue confrontation des associations avec les représentants de la Mairie a été l’adoption d’une charte de la concertation qui a contraint la municipalité à lancer des études quantitatives et qualitatives sur les usages et à afficher la dimension métropolitaine. Bien qu’imparfaites et insuffisantes, la Mairie n’ayant pas accepté dans la charte, la démarche de programmation concertée, ces études ont mis en évidence que le forum était fréquenté à 94 % par des non riverains dont 70 %, venant par les transports publics de l’extérieur de Paris. Les équipements culturels existant étaient très peu connus du public et les jeunes de banlieue trouvaient là un lieu de rencontre « moit-moit », mi banlieue par la fréquentation, mi parisien par la localisation dans le centre de la capitale. Les jeunes banlieusards appréciaient d’être moins étiquetés et stigmatisés que dans les cités et de pouvoir y développer des styles et des stratégies de drague dans un relatif anonymat.
L’étude quantitative d’IPSOS en 2006 a permis d’identifier les différents types de public fréquentant le forum actuel et les demandes prioritaires pour le nouveau forum portaient sur les équipements culturels, les restaurants, l'accès aux transports en commun et les infrastructures sportives et pas sur les commerces.
L’étude qualitative BVA 2009 menée à partir d’entretiens avec des personnes représentatives de la population fréquentant le forum actuel a montré que :
- Dans la Canopée, l’installation de nouvelles surfaces commerciales était jugée inutile, au regard de l’offre existante par ailleurs. Les participants soulignaient la nécessité de renouveler l’attractivité du lieu par une offre singularisant les Halles.
- Sur les équipements culturels proposés, les participants trouvaient le concept de cultures urbaines « excluant », « stigmatisant ». Il était jugé excessivement restrictif : "Pourquoi cibler uniquement les expressions de cultures urbaines et négliger la poésie, le théâtre, etc. ?"
« Ça me dérange, il y a d’autres spécialités qui sont beaucoup plus intéressantes, beaucoup plus créatives » (riverain) « La culture c’est l’ouverture vers le monde. Là, cultures urbaines, on ferme » (riverain). Il est également excluant car il ne s’adresse qu’à un seul public : les jeunes voire les jeunes de banlieue."
- Tant pour les équipements existants que pour les nouveaux, les personnes interrogées ont insisté sur la nécessité de soigner leur visibilité à l’intérieur du forum qui est globalement perçu comme un lieu exclusivement commercial.
- C’est la vocation commerciale du lieu qui prédominait dans les représentations. Les équipements de loisirs ou culturels existants étaient peu cités, ni pratiqués, même si les enquêtés se disaient demandeurs d’un élargissement de l’offre culturelle.
- En filigrane, apparaissait une demande d’animation du quartier qui ne fût pas seulement commerciale.
- Ce « déficit culturel » a été regretté aussi par les touristes enquêtés. « C’est juste un centre commercial ».
Six ans plus tard, la Mairie de Paris a inauguré en avril 2016 un nouveau Forum des Halles et une structure en surface baptisée Canopée qui tourne le dos à à peu près toutes les demandes des usagers et des associations mobilisées depuis plusieurs années autour du projet.
La principale association Accomplir a effectué un travail considérable pour analyser les budgets et les participations financières de chaque entité impliquée par les travaux, Mairie, Région, RATP, Unibail.
Elle considère par ailleurs que la structure métallique et de verre, la canopée de Berger Anziutti n’assure pas la fonction de puits de lumière espérée avec le projet de Mangin. Elle constate l’absence d’équipements métropolitains, hors le centre de Hip Hop et dénonce la vente du forum à Unibail et ce qu’elle considère comme le massacre du jardin qui devient un lieu de passage et sur lequel les terrasses des cafés du rez-de-chaussée de la canopée viennent empiéter. Elle a fait des recours juridiques contre les cessions des espaces publics et des équipements publics qui ne respectaient pas les règles administratives.
Il faut d’abord signaler que la Mairie de Paris a été très peu transparente sur deux éléments essentiels du dossier, le financement des travaux entre les différentes entités et en particulier la part prise par Unibail et le décompte réel des équipements publics supplémentaires dans la nouvelle structure par rapport aux surfaces commerciales. Les chiffres publiés sont contradictoires et ne permettent pas facilement de faire le bilan de l’opération dont le coût global dépasse le milliard d’euros.
En 2001, Bertrand Delanoë s’était engagé à ne pas vendre le forum des halles. Dans la précédente opération chiraquienne, la ville avait assumé les frais de l’opération et était restée propriétaire du bâtiment construit sur la gare ferroviaire.
Nous verrons que la différence est que cette fois-ci, la Municipalité a abandonné la propriété du bâtiment.
La Mairie de Paris et ses partenaires publics ont été obligés pour des questions de sécurité de mettre aux normes la gare ferroviaire et le pôle transport, mais le vieillissement précoce du Forum des Halles pouvait être traité autrement. La Mairie de Paris ne pouvait pas facilement vendre le Forum des Halles à un autre prestataire privé que Unibail, détenteur des baux commerciaux jusqu’en 2055. La Mairie en vendant ses mètres carrés s’est mise dans la situation d’une entité publique assumant des travaux importants (1 milliard d’euros) et revendant ensuite le bâti à un exploitant privé sans appel d’offres. C’est déjà contestable, mais par ailleurs, présenter le site du Forum des Halles comme le cœur de Paris avec des enjeux métropolitains (grâce à la pression des associations mobilisées autour du projet) et l’abandonner au privé, c’est aller, encore une fois, plus loin que la droite dans l’abandon des politiques publiques. Le nouveau forum des halles proposera aux 150.000 visiteurs quotidiens que Unibail espère plus nombreux après l’inauguration de 2016 (40 millions par an), 75.000 mètres carrés de surfaces commerciales vendus 238 millions d’euros soit 3.170 euros le mètre carré (prix validé par le service des domaines).
Le Milliard d’Euros
Les chiffres communiqués à la presse par la Mairie de Paris indiquent pour le coût total de l’opération : 918 millions d'euros hors taxe, soit 1,064 milliard TTC.
Le toit avec sa structure métallique et de verre de 25.000 mètres carrés (l’équivalent de la place des Vosges) et le bâtiment en surface construit au dessus des surfaces existantes ont coûté à eux seuls 238 millions d’euros, soit ce qu’Unibail a payé pour l’ensemble du forum (nouvelles et anciennes surfaces commerciales et les allées de circulation), le pôle transports avec la gare RER, 198 millions, la rénovation et la mise aux normes du forum, 205 millions, et les "coûts connexes", dont la cité de chantier, 256 millions d'euros.
Les seuls financements extérieurs à la ville de Paris ont été obtenus, pour le pôle transports :
56 millions d’euros hors taxes de la Région Île-de-France et 25 millions d’euros hors taxes de la RATP et 25 millions d’Euros d’Unibail pour des travaux sous la maîtrise d’ouvrage de la Ville.
La vente des mètres carrés ne peut être pris en compte dans le bilan financier de l’opération, puisque la Mairie a engagé 1 Milliard d’euros de travaux pour ensuite vendre l’ensemble du bâti au dessus de la gare à Unibail. Il y a une perte de propriété publique sur un lieu stratégique qui permet de faire sortir ou d’évacuer en cas d’urgence un flux de passagers qui atteint 750.000 personnes par jour. Si pour une raison ou pour une autre, des travaux sont de nouveau nécessaires au dessus de la gare, la Mairie dépendra entièrement du bon vouloir du nouveau propriétaire du forum Unibail Rodemco. La situation est complètement différente des autres centres commerciaux qui ne se trouvent pas au dessus d’un équipement public comme une gare de RER.
On peut donc considérer que le financement de l’opération est exclusivement public.
Par ailleurs l’association Accomplir a effectué un bilan financier de cette vente des bâtiments et des allées du forum qui montre que l’opération est à solde nul pour la Mairie.
« La Ville va parallèlement reverser 75 millions d’euros à Unibail au titre du rachat partiel des baux sur les surfaces qu’elle va aménager pour les équipements publics, et de surcroît elle devra dédommager Unibail, «en sa qualité de propriétaire exproprié, des pertes et diminutions de loyers et de charges subies sur ces locaux ou parties de locaux impactés pendant la période comprise entre la vente et le rachat»
- la Ville ne mentionne pas dans le bilan global de l'opération le fait q’elle va perdre la redevance qu elle aurait dû percevoir sur les baux résiliés qui couraient jusqu’en 2055 ; cette redevance s’élève à 1,8 millions d’euros par an ; sur 45 ans, cela fait 81 millions d’euros.
- Le dédommagement des commerçants du sous-sol n’est pas chiffré mais il a été évalué à 21 millions d’euros.
- La contribution financière de la Ville tiendra compte des conséquences de l'existence d'une servitude sur les circulations horizontales cédées» (les allées). D'après le document de travail confidentiel de décembre 2009, ces frais seraient exorbitants : de 1,5 à 2,5 millions par an (alors que le loyer de l’ensemble du Forum était de 1,8 millions d’euros par an), et que le montant de cession des allées du Forum est de 5,8 millions d’euros. Même en retenant le chiffre le plus bas (1,5 M! par an), cela fait 67,5 millions d’euros d’ici 2055, et cela se poursuivra au-delà. La ville assume par ailleurs tous les risques juridiques de l’opération. »
Les 238 millions d’euros se réduisent donc en fin d’opération si l’on prend en compte les manques à gagner de la ville jusqu’en 2055 et les nouveaux frais : 238 – (75 + 81 +21 + 67,5) = - 6,5 millions d’euros.
Les seuls espaces restant propriété de la Mairie, la place carrée en bas et les terrasses intermédiaires ont déjà été préemptés par Unibail pour des animations commerciales.
Rapport de la chambre régionale des comptes d'île de France publié le 11 novembre 2018 :
En 2009, lorsque le Conseil de Paris a arrêté définitivement le projet, son coût global était évalué à 760 M€ HT, dont 160 M€ HT pour le pôle transport. À la fin 2017, l’enveloppe de l’opération, pôle transport inclus, atteignait 918 M€ soit une augmentation de 20,8 % par rapport à l’estimation initiale, hausse relativement limitée eu égard à l’ampleur et la complexité de l’opération.
Un financement en partie réalisé par la cession du centre commercial
Le budget de l’opération a cependant souffert de faiblesses dans l’évaluation des contributions extérieures, l’ensemble des participations prévues en 2003 n’ayant pu être réalisé.
Ainsi, des contributions privées devaient assurer une partie du financement et notamment des concours à hauteur de 238 M€ en provenance du groupe Unibail-Rodamco, qui disposait des droits sur tous les volumes immobiliers des Halles en raison des baux à construction d’origine. Toutefois, ces concours se sont transformés en une vente de l’ensemble domanial au dit groupe.
S’agissant du montant versé pour cette cession, la chambre ne partage pas l’estimation avancée par la Ville de 264,4M€. En effet, la chambre estime, pour sa part, que ce montant doit être diminué des dépenses supportées par la Ville alors que le droit commun, auquel la Ville et son co-contractant ont dérogé, prévoit qu’elles soient prises en charge par l’acquéreur. Après avoir opéré ces déductions et retranché les indemnisations versées au groupe, l’estimation de la chambre est de 141,9, M€.
Le prix de cession semble résulter de la faible transparence de l’opération
Afin de pouvoir réaliser les travaux de la Canopée sur des volumes initialement donnés à bail, la Ville a souhaité récupérer les emprises foncières concernées.
Cependant, les négociations ont conduit à céder la totalité des volumes commerciaux, les parkings adjacents, divers volumes du domaine public ainsi que les surfaces libérées de la circulation automobile alors même que ces espaces n’étaient pas inclus dans le périmètre des baux à construction....
Accès au Rapport complet de la Cour des comptes
Bilan des équipements culturels
Dans les nouveaux bâtiments de la Canopée, les premiers chiffres indiquaient 7.000 mètres carrés pour les équipements culturels mais ils ont été finalement réduits à 6.000 selon Bruno Julliard, premier adjoint chargé de la culture dans une déclaration faite à cyberarchi.com le 11/02/201 contre 4.400 dans l’ancien bâtiment Villerval, soit 1600 mètres carrés supplémentaires.
Dans la partie en sous-sol, parfois appelée le cratère, les équipements culturels passent d’ores et déjà de 17.180 mètres carrés à 15.800, soit 1400 mètres carrés de moins.
De plus, le centre d’animation, occupant 1370 mètres carrés, situé à la sortie du RER sur la place carrée est convoité par Unibail qui devrait le racheter ultérieurement pour exploiter cet emplacement prometteur pour le commerce.
Contrairement à ce qu’affirme la Mairie de Paris pour valoriser son projet, le solde en mètres carrés d’équipements publics est au mieux quasi nul : 1.600 en plus en surface et 1.400 en moins en sous sol (200 mètres carrés de solde positif) et sera peut être au final négatif de 1.200 mètres si le centre d’animation est racheté par Unibail.
Par contre, les surfaces commerciales dans le bâtiment en surface (Canopée) passeront de 2.500 mètres carrés à 6.400 mètres carrés soit 3.900 mètres carrés supplémentaires. Dans la partie en sous-sol, les mètres carrés commerciaux passeront de 58.504 à 69.409, soit 10.900 mètres carrés supplémentaires. Le total pour le nouveau forum est de 14.800 mètres carrés commerciaux supplémentaires.
La Mairie de Paris a donc fortement réduit la proportion d’équipements culturels par rapport aux surfaces commerciales dans le nouveau forum des Halles, à l’inverse de ce que demandaient les usagers dans les enquêtes et les associations.
Dans l’avant projet de la Canopée, les équipements publics étaient visibles et accessibles au rez-de-chaussée. Dans le bâtiment qui va être inauguré le 5 avril 2016, ils ont tous été cantonnés au premier étage et les commerces sont installés au rez-de-chaussée avec des vitrines qui entourent le bâtiment, les « phalenges de la baleine » pour attirer le chaland.
Le déficit de visibilité des équipements culturels dans l’immense foire commerciale du forum ne semble pas du tout résolu.
Le centre de Hip Hop et ses salles de spectacle, l’une pouvant accueillir 400 personnes debout et l’autre de 120 places assises a été créé selon le désir de Bruno Julliard, ancien adjoint à la jeunesse de la Mairie et actuel Maire adjoint chargé de la culture. Dans le cadre de la concertation, ce choix a été annoncé en réunion sans aucune concertation. Au-de-là de l’intérêt de cet équipement culturel présenté comme un moyen de combler le déficit en lieux de Hip Hop sur la région parisienne, malgré le 104 rue d’Aubervilliers et la grande Halle de la Villette qui accueillent souvent des spectacles de Hip Hop, le Studio et les salles de répétition permettront sûrement de développer des créations originales et de valoriser cette culture.
On peut seulement regretter de ne pas avoir pu obtenir des lieux dans le nouveau Forum permettant d’organiser des débats et des événements culturels concernant des publics plus variés et qui favoriseraient la mixité sociale et la citoyenneté recherchées par la Mairie de Paris dans ses discours. Il serait dommageable que le centre de hip hop se transformât en ghetto et en miroir pour un public restant entre-soi sans dialogues avec les autres publics fréquentant le Forum des Halles, principale entrée et cœur de Paris.
La Mairie a systématiquement opposé une fin de non recevoir à toutes les propositions d’équipements culturels de dimension métropolitaine comme une université populaire et un forum de créativité métropolitaine. A court d’arguments, les représentants de la Mairie se sont contentés d’invoquer des contraintes de sécurité empêchant d’accueillir plus de public dans le bâtiment ! Le seul acquis a été l’annonce par la Mairie de vouloir mutualiser les salles qui peuvent recevoir du public dans le forum. On ne sait pas encore quel organisme sera chargé de cette mutualisation.
En conclusion, une Mairie qui se prétend de gauche, contrainte à restructurer un bâtiment réalisé par un conseil municipal de droite a diminué la proportion de surfaces dédiées aux équipements culturels, a maintenu les équipements de proximité (conservatoire de musique, une bibliothèque, un centre de pratiques amateurs ) alors que la fréquentation du forum des halles est à 94 % un public non riverain qui n’habite pas à proximité et a créé comme seul élément destiné à la dimension métropolitaine un équipement dédié au hip hop.
Concernant le jardin, l’association Accomplir, a qualifié l’opération de « massacre ». « Environ 85 M€ ont été consacrés à détruire un jardin qui venait juste de parvenir à maturité et qui était plébiscité par 88 % de ses usagers (enquête IPSOS 2006). L’architecte l'a restructuré, a supprimé les fontaines, détruit les allées, tronçonné 279 arbres de 25 ans d’âge et les a remplacé par des petits arbres qui mettront le même temps à retrouver cette taille. Deux équipements extrêmement appréciés aussi bien par les riverains que par les Parisiens et les touristes ont été détruits : l’amphithéâtre René Cassin et le jardin Lalanne. »
La concertation mise en avant par la Mairie n’a donc été qu’une longue série de réunions publiques d’information. Elle s'est soldée par un échec complet. Elle n’a jamais voulu engager une véritable programmation collective à partir d’un diagnostic partagé des besoins.
Cet investissement colossal de 1 milliard d’euros s’est conclu, pour trouver des financements à court terme, par la vente de toutes les surfaces commerciales du forum et de ses allées intérieures à Unibail, un gestionnaire qui devient le grand maître du site. La Mairie abandonne toute ambition de service public sur cet espace coeur de Paris.
Les touristes et tous les habitants de la région parisienne visitent le Canopée pour découvrir une prouesse technique, les ingénieurs ayant réussi l’exploit de coucher une deuxième tour Eiffel en plein Paris et de construire un toit ventilé de 2 hectares et demi. Les usagers consomment peut être davantage que dans le précédent Forum des Halles, y compris le dimanche, puisque les ouvertures de magasins y seront autorisées.
Cette opération voue pour longtemps au commerce le cœur de Paris qui a été livré par la Mairie à des intérêts privés.
Le résultat de l’appel à concours Réinventer Paris montre que c’est bien une politique délibérée de l’actuel Conseil de Paris de ne rien opposer aux ambitions des gestionnaires de centres commerciaux. Le concours s’est soldé pour le "2 Avenue d’Italie" par une nouvelle reddition face aux intérêts privés, cette fois ceux du groupe Hammerson qui gérait déjà le centre Italie2 et qui a été préféré par le jury au Wiki Village Factory qui avait su regrouper et mobiliser de nombreux acteurs innovants et des associations.
La Mairie de Paris avait prétendu pour cet appel Réinventer Paris rechercher des solutions innovantes et insisté sur l’importance de la mobilisation citoyenne et associative. Hammerson était de longue date candidat à l’exploitation de cet espace voisin de son centre commercial et le concours aurait dû être l’outil pour que le cœur du 13ème arrondissement échappe au tout commerce. Il n’en a rien été.
En dehors d’Hammerson, cela fera sans doute un autre heureux, Michel Houellebecq qui a souvent valorisé le centre commercial Italie 2 comme un de ses lieux préférés dans Paris.